L’emprise, l’emprise…
Elle est souvent responsable de l’immense culpabilité rencontrée chez les personnes victimes de violences. Pour le pardon que l’on ne s’accorde pas, pour le refus d’accepter une situation ou un trauma.
Mais qu’est ce qu’est l’emprise ?
Qu’est-ce que l’emprise ?
L’emprise trouve ses racines dans le latin, dérivé du verbe imprehendere, qui signifie « saisir » ou « prendre » et emprendere (entreprendre). Le terme « emprise » désigne à la fois la prise (résultat d’une action) et l’entreprise (moyen de l’action). Ces deux significations se retrouvent dans l’emprise chevaleresque, ce contrat moral par lequel un chevalier se liait à son seigneur, se mettant entièrement à son service et promettant fidélité, respect et loyauté. Le seigneur exerçait bien sûr une certaine emprise sur le chevalier, que ce dernier acceptait volontairement en se soumettant, en échange de la protection de son dirigeant.
Nous pouvons d’ores et déjà noter ces deux aspects de l’emprise : elle reflète à la fois le désir d’un individu et la matérialisation de ce désir. Quant à la victime, elle se soumet sans en avoir pleinement conscience.. Cette étymologie illustre parfaitement le mécanisme de l’emprise psychologique, qui consiste à s’emparer de l’esprit, de la personnalité et de l’essence même de l’autre, le privant ainsi de son autonomie.
À l’origine, l’emprise désigne dans un contexte administratif l’occupation ou le contrôle d’un espace, tel qu’un terrain ou un territoire. Cette définition évoque une métaphore de l’emprise psychologique, où l’espace matériel symbolise l’espace vital que l’on envahit ou contrôle.
Dans sa dimension psychologique, l’emprise s’installe dans une relation de domination, où la victime est réduite à un objet. Ses pensées, ses désirs et ses besoins sont ignorés, au profit de la personne qui exerce le contrôle, comme dans notre exemple.
Il s’agit d’un processus lent, subtil et répétitif, qui s’installe progressivement au fil du temps de domination psychologique qui permet à une personne de contrôler les pensées, les émotions, et les actions d’une autre. Contrairement à la manipulation, qui peut être plus subtile et temporaire, l’emprise s’installe de façon progressive et durable. Elle repose sur un déséquilibre de pouvoir entre l’individu dominant et la victime d’emprise perd progressivement son libre arbitre.
Le concept d’emprise a été étudié par de nombreux psychologues, notamment dans le cadre des relations abusives, des sectes, et des environnements coercitifs comme certaines dynamiques familiales ou conjugales. Selon le psychologue Jean-Claude Maes, l’emprise « se définit comme l’ensemble des mécanismes subtils et progressifs qui permettent à une personne d’imposer son pouvoir sur une autre, en la privant de son identité et de sa capacité à se défendre » .
Les mécanismes de l’emprise
L’emprise repose sur plusieurs stratégies psychologiques qui visent à fragiliser la victime pour mieux la contrôler. Voici les étapes principales :
- Séduction et isolement : L’emprise commence souvent par une phase de séduction, où l’agresseur se montre particulièrement charmant, bienveillant, et attentionné. Une fois la victime sous influence, il ou elle est progressivement isolée de son environnement social (amis, famille), afin de réduire ses sources de soutien extérieur.
- Dénigrement et dévalorisation : Une fois la victime isolée, l’agresseur commence à remettre en question son jugement, à la critiquer constamment, et à la rabaisser. Cela installe un climat de doute, où la victime perd confiance en elle et en ses propres perceptions.
- Contrôle et dépendance émotionnelle : L’agresseur renforce son emprise en instaurant une dépendance émotionnelle chez la victime. Chaque action ou décision de la victime est conditionnée par l’approbation de l’agresseur, créant un cycle de contrôle et d’angoisse.
- Confusion et culpabilité : L’emprise repose également sur la capacité de l’agresseur à induire une confusion chez la victime. Celle-ci finit par douter de ses propres perceptions de la réalité, se sentant coupable de ne pas répondre aux attentes de l’agresseur. Ce sentiment de culpabilité est l’un des principaux facteurs qui maintient la victime sous l’emprise.
Comment se manifeste l’emprise ?
L’emprise peut se manifester de différentes façons selon les contextes. Cependant, on observe des similitudes importantes dans la manière dont elle affecte les victimes :
- Perte d’estime de soi : La victime, à force de subir des critiques et des dévalorisations, finit par perdre confiance en elle. Elle pense souvent qu’elle est la cause de la violence ou du contrôle qu’elle subit.
- Dépendance psychologique : La victime devient progressivement dépendante de l’agresseur pour ses émotions, ses pensées, et même ses actions. Elle peut éprouver une peur irrationnelle de perdre cette relation, même si elle est toxique.
- Isolement social : Comme mentionné plus haut, l’emprise passe souvent par un isolement social. La victime est coupée de ses relations extérieures, ce qui la rend encore plus vulnérable à l’influence de l’agresseur.
- Confusion mentale : Les victimes d’emprise éprouvent souvent une grande confusion. Elles peinent à distinguer le vrai du faux, et perdent leur capacité à faire confiance à leur propre jugement.
Les signaux d’alerte de l’emprise
Certaines caractéristiques et signes peuvent aider à identifier une situation d’emprise. Voici quelques-uns des signaux d’alerte :
- Un contrôle omniprésent : Si une personne dicte constamment vos actions, vos pensées, et même vos émotions, il est probable que vous soyez sous emprise.
- La peur du jugement ou de la réaction : Si vous ressentez constamment une peur irrationnelle de décevoir ou d’être critiqué par une personne, cela peut être un signe que vous êtes sous son emprise.
- La sensation d’être enfermé(e) : Une victime sous emprise se sent souvent prise au piège, incapable de prendre des décisions par elle-même sans consulter ou craindre la réaction de l’agresseur.
- Le doute permanent : Si vous vous trouvez régulièrement en train de remettre en question vos propres perceptions ou si vous avez l’impression que vous êtes à l’origine des problèmes relationnels, cela peut indiquer une forme d’emprise psychologique.
Conclusion
L’emprise est un processus insidieux qui détruit progressivement la capacité d’une personne à penser et à agir de manière autonome. Reconnaître les signes d’emprise est essentiel pour briser ce cycle de domination. Il est également crucial de se tourner vers des ressources extérieures, pour obtenir de l’aide. En identifiant et en comprenant les mécanismes de l’emprise, les victimes peuvent reprendre le contrôle de leur vie et entreprendre un processus de guérison.