(Mémé _épisode n°3) – Appréhender la mort

De nombreuses fois, je me préparais au départ de Mémé. Pendant de nombreuses années, on en riait en se voilant la face. On justifiait qu’elle ne réussirait jamais à être heureuse, qu’elle souffrait de ce qu’elle a vécu. Une douleur horrible, une réelle phobie de l’abandon, et ce flot de larmes qui crispait son sourire souvent insatisfait.

En guérissant de maladie en maladie avec brio, on l’imaginait invincible et immortelle. On s’est habitués à cette image de combattante, et plus qu’une warrior, une grande dame. Alors, on croit aux miracles et pourtant. On pensait qu’elle resterait encore quelques années, ou même quelques mois à s’inquiéter pour nous, à rigoler avec nous, à râler avec nous, à ressasser les tristes souvenirs du passé ou encore à traiter les gens de « cons » au travers de la télévision, et pourtant. Autant de maladies pour les mots qu’elle n’a pas dit, les maux qu’elle n’a jamais su exprimer, ce mal auquel elle n’a pas su remédier.

J’aurais voulu avoir assez de forces pour réussir à la guérir de ce fichu cancer, à illuminer son côté obscur et réussir à la faire rêver. Lors d’un voyage en Corse, je l’aurai remercié de m’avoir choyé, aidé, gâté et soutenu. J’en veux à ce foutu cancer d’avoir joué avec mes espoirs et mes illusions, je lui en veux à elle de s’être éteinte aussi brutalement, parce que c’est elle et que j’ai besoin d’elle, parce que je voulais que cette grande dame reste immortelle.

 

Mémé est restée digne jusqu’au bout. Elle ne méritait pas de finir ainsi, très peu de personnes méritent ce supplice. Gémissant de douleurs, nous faisions en sorte de répondre au mieux à ses attentes et lui offrir notre aide la plus précieuse. Presque traitée comme un nourrisson, ce n’était plus une vie convenable d’être alitée, dépendante de tout et de tout le monde. J’estimais qu’il était important de valoriser ses moments d’autonomie, même s’ils demeuraient moindres, elle se sentait fière et valorisée d’avoir réussi à manger ou à boire toute seule. Ces petits moments nous faisaient du bien. En France, on devrait avoir le choix de pouvoir assouvir nos souffrances si on le désir. Elle savait qu’elle allait mourir, mais n’en avait réellement pas envie. Alors pourquoi a-t-elle succombé à la Grande Faucheuse ? Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ?

En partant, elle nous a laissé l’autorisation d’être heureux, et nous a donné le flambeau signifiant qu’à présent nous sommes notre propre priorité. Soyons libres, soyons fous, aimons la vie, apprécions nous et faisons en sorte de se réjouir chaque jour.

Elle a vécu dans l’incompréhension de l’abandon familial et est morte en ayant imploré leur absence.

Mémé, contrairement à toi, je ne subirai pas une vie que je n’ai pas choisi, c’est aussi pour cela que tu as été une réelle motivation et une grande source d’inspiration. Aujourd’hui, tu n’es plus là, Ô Grande Dame, Ô

Jusqu’au bout j’y ai cru et j’y crois encore, tu es encore là, je ne sais pas où mais tu es là, j’aimerais que ce soit réel que tu ouvres un oeil et que tu reviennes. Tu ne veux pas nous voir anéantis alors pourquoi es tu partie ? Pourquoi nous as tu quitter sans être heureuse ? Pourquoi as-tu déguerpi ainsi ? Sans être apaisée, sans être libérée, pourquoi ? Pourquoi n’as tu pas respecté ta parole quand tu m’as dit « À demain » ?

Alors Mémé je suis en colère contre toutes ces personnes qui ont nuit à ton épanouissement et j’aurais voulu que ton bonheur passe avant tout le chagrin qu’ils ont provoqué

Merci d’avoir été ma grand-mère, ma chieuse, ma confidente, mon inspiration et pour toujours et à jamais mon ange et mon étoile.

Je t’aime